Avant la sortie du film le 26 juin, le réalisateur et l’équipe de tournage se sont rassemblés dans le théâtre de Séoul afin de parler de ce premier film coréen qui décrit directement le « massacre » de Gwangju. May 18 étant parmi les films les plus attendus de cet été, la conférence de presse a recueilli une grande attention des médias.
Le 17 mai 1980, le président de l’époque Chun Doo-hwan (1980-88) a renforcé son pouvoir centralisé en décrétant la loi martiale. Il a révoqué l’Assemblée nationale et a arrêté de nombreux politiciens, dont le démocrate de gauche Kim Dae-jung, un politicien en vue de la province de Jeolla. Condamné à mort à l’époque, il a survécu et est devenu président de 1998 à 2003.
Les étudiants de l’université nationale de Chonnam ont alors organisé une manifestation devant les portes du campus. Le 21 mai, près de 300.000 personnes ont constitué des milices civiles et ont attaqué les bureaux de police pour se procurer des armes. Assurant le contrôle sur la ville, l’Armée citoyenne a entammé des négociations avec le gouvernement.
Le 27 mai, le régime de Chun déploie quelque 200.000 soldats des forces aériennes et terresres pour mater la rébellion, écrasant les milices dans la zone urbaine en moins de 90 minutes. Jusqu’en 2003, on parlait de 207 morts, 2.392 blessés et de 987 victimes diverses, mais la situation exacte reste inconnue à ce jour.
La répression militaire a été menée sous le nom de code ironique signifiant, traduit, « Vacances somptueuses » (화려한 휴가 , le titre coréen du film).
« Comme réalisateur, c’était un défi de rejouer ces événements historiques avec pertinence, déclare Kim aux journalistes. Ce qui est en-dessous de la réalité, car, à travers des interviews avec les survivants et les membres des familles des victimes, j’ai appris que le 18 mai a été plus horrible, plus violent et plus cauchemardesque que le film ne le montre.
J’ai montré cela de manière faible et plutôt que de décrire l’incident lui-même, qui s’est passé il y a 27 ans, j’ai préféré donner vie à ceux qui ont vécu cela », dit-il.
L’histoire tourne autour de quatre principaux personnages inspirés des vies réelles de victimes de la tragédie. La vie des gens ordinaires a changé radicalement le 18 mai : le chauffeur de taxi Min-wu (Kim Sang-kyung) menait une vie paisible avec son jeune frère Jin-wu (Lee Jun-ki), tout en nourrissant de l’affection pour la jolie Sin-ae (Lee Yo-won).
Mais quand l’enfer a éclaté, Min-wu et d’autres se sont armés pour défendre leurs proches.
Pour l’actrice Lee Yo-won, May 18 était émotionnellement et physiquement éprouvant : elle éclatait constamment en larmes et se tirait les cheveux. « J’étais absolument terrifiée comme si j’étais dans la situation réelle plutôt que sur une scène de film, dit-elle. C’était aussi la première fois que j’étais entourée d’armes. »
Lee Yo-won et Lee Jun-ki ont tous les deux cité la scène au cours de laquelle les amoureux Sin-ae et Min-wu se disent adieu dans un tunnel, la jeune femme demandant à son amant : « Tu viendras me chercher encore demain, n’est-ce-pas ? »
Lee Jun-ki explique que le dialogue « exprime l’esprit qui règnait malgré l’oppression et la violence de l’époque ». La star du film Le roi et le clown, 왕의 남자 (2005) ajoute : « C’est tragique que des gens qui avaient l’habitude de se voir chaque jour ont été forcé de se séparer. »
Le réalisateur Kim précise que la scène du tunnel est aussi une une ses parties préférées du film, car sa fille est née durant cette période du tournage.
Les acteurs Kim Sang-kyung et Lee Yoo-won jouent les rôles principaux d’amants luttant au cours des événements sanglants du mouvement démocratique de Kwangju de 1980. May 18 montre aussi le déchirement affectif entre un père et sa fille et Kim ajoute que la séparation entre les deux personnages l’a particulièrement touchée.
« Dans un précédent interview avec les médias, parce qu’il s’agit d’un sujet si lourd, j’ai insisté sur le fait que le film est très émouvant et même comique », déclare l’acteur chevronné Ahn Sung-ki (Radio Star, 2006), qui joue le rôle du père aimant de Sin-ae, ancien soldat qui a pris la direction des citoyens armés.
« Mais c’était bouleversant et émouvant de regarder le film aujourd’hui », dit-il.
Les réalisateurs du film ont aussi montré comment May 18 est parsemé d’humour. Et notamment l’apparition du réalisateur hilare dans le film.
« Pour être franc, nous avions un budget limité et notre équipe et même les chauffeurs de bus et les managers des acteurs devaient jouer de petits rôles, tandis que Ahn Sung-ki dirigeait la scène », explique le réalisateur en riant.
« Ce n’est pas vrai ! répique Kim Sang-kyung amusé, il convoitait ce rôle et c’est lui qui a fait le plus d’erreurs. »
Lors de la présidence de Chung, l’incident a été qualifié de rébellion de sympathisants communistes. Mais quand le pouvoir civil a été réinstauré, l’incident a été reconnu comme une tentative de restaurer la démocratie contre le pouvoir militaire. Le gouvernement a présenté des excuses officielles et a érigé un cimetière national pour les victimes.
Le film a été montré lors d’une première spéciale à Séoul, Pusan et dans la ville de l’incident, Gwangju, dimanche. Selon Yonhap News, quelque 3.000 citoyens de Kwangju - dont les familles des victimes - ont vu le film ; la plupart étaient incapables de retenir leurs larmes et ont longuement applaudi.
« C’est un film qui nous ramène à Gwangju », déclare Yun Seok-dong, 80 ans, dont le fils Sang-won a perdu la vie comme citoyen-soldat. 27 ans sont passé depuis cet événement, mais May 18 ravive à l’écran les événements mémorables de Kwangju et célèbre l’esprit humain.
Source:
http://www.korea-is-one.org/spip.php?article2917